Ma première trichromie

Pour celles et ceux qui l’ignorent, la trichromie est un procédé photographique inventé au 19ème siècle, présenté à la Société française de photographie le 7 mai 1869, pour réaliser des images en couleurs à partir de trois prises de vues en noir et blanc. Dit comme ça, cela semble un peu incroyable, non ?

Les photographes habitués du forum galerie-photo savent évidemment de quoi je parle. Ils s’y sont tous essayés sous l’effet du prosélytisme de l’ami Henri Gaud. Les lecteurs de la revue 6 Mois ont également découvert, dans le premier numéro, les travaux de Sergueï Prokoudine-Gorski sur la Russie Tsariste du début du vingtième siècle. Mais j’aimerais expliquer le principe de la trichromie avec des mots simples, pour deux ou trois ami(e)s pas photographes qui me disent régulièrement ne pas comprendre ce blog lorsque ça commence à causer technique.

Donc, les couleurs visibles, celles qui nous intéressent généralement en photographie, peuvent être reconstituées à partir de trois couleurs de base, que l’on appelle les couleurs primaires et qui sont le rouge, le vert et le bleu. Je parle bien des couleurs primaires que l’on va mélanger optiquement, pas des pigments des tubes de gouache de nos souvenirs enfantins. Vous n’êtes pas convaincus qu’avec seulement trois couleurs, on peut reconstituer toutes les autres ? Et bien, si vous regardez un écran de télévision ou d’ordinateur de très très près, vous verrez que les pixels qui constituent l’image sont constitués d’une matrice de trois points respectivement et exclusivement rouge, vert et bleu. En faisant varier l’intensité de chacun de ces trois points de la matrice rouge/vert/bleu, on obtient un pixel de la couleur que l’on veut. On appelle cela la synthèse additive.

Donc, pour réaliser notre photo couleur avec de la pellicule noir et blanc, on fait trois clichés en plaçant devant l’objectif un filtre coloré. Ainsi, sur le premier cliché, on met un filtre rouge, dont la caractéristique est de ne laisser passer que la part rouge de la lumière et donc du sujet qu’on photographie. La photographie que l’on vient de faire est bien en noir et blanc, mais elle n’a enregistré que la composante rouge de chacun des points colorés du sujet de la photo. On fait la même chose avec un filtre vert pour le deuxième cliché et avec un filtre bleu pour le troisième.

Ce qui nous donne, après développement et numérisation de ses trois clichés, ceci :


Ce premier négatif, ci-dessus, a enregistré la composante rouge de la couleur du tableau. C’est un négatif, donc ce qui est foncé deviendra clair, et ce qui est plus foncé que sur les deux négatifs suivants sera plus rouge, ce qui est le cas du manteau du Christ.


Le deuxième a enregistré la composante verte.


Et le troisième avec la composante bleue, où l’on voit que l’auréole du Christ est plus claire que sur les deux précédents, ce qui est logique puisqu’elle est jaune, couleur complémentaire (opposée, en quelque sorte) du bleu.

Avec Photoshop ou un autre éditeur d’image puissant, on superpose les négatifs pour reconstituer les couleurs (on peut également le faire au labo, mais c’est beaucoup plus compliqué !) et comme par miracle, Sainte Véronique reprend ses couleurs :

Je l’ai dit, c’est ma première trichromie. Il y a donc des imperfections dans l’équilibre chromatique, mais c’est pour moi un plaisir sans pareil que d’être arrivé à produire une image couleur avec du film noir et blanc. Au passage, on voit que les châssis, et les plans-films à l’intérieur de ceux-ci, ne se positionnent pas parfaitement identiquement d’une prise de vue à l’autre, d’où les bords colorés, et qu’il faut donc prévoir une petite marge de sécurité lors du cadrage.

Économiquement, ça n’a pas grand intérêt pour l’instant. Utiliser 3 bons plans-films N&B au lieu d’un seul en couleur revient au même prix voire un peu plus cher, sans parler du temps passé à scanner trois films au lieu d’un et à faire l’assemblage. Mais il y a au delà de ça un double intérêt : essayer, par la maîtrise de la séparation trichrome et de l’assemblage, de mieux comprendre comment nait la couleur et comment la contrôler ; préparer un avenir qui nous privera peut-être de films couleur si kodak et fuji décide d’abandonner, alors qu’en N&B il y aura toujours une production chez les petits industriels.

Pour avoir un tirage, venez à la prochaine Sainte Véronique !

3 réflexions sur “Ma première trichromie

  1. Salut Dominique,

    Ici, il ne fait pas bô !
    C’est la faute à Maria (la tempète).
    Une trichro de mon île, bien sûr, j’y pense.
    Je n’ai plus beaucoup de film N&B, donc il va falloir choisir le bon sujet !

  2. J’ai sauté sur la revue 6Mois qui trainait chez moi et n’avais même pas réalisé que la trichromie y était présentée avec de belles impressions papier ! 🙂
    En tout cas votre billet vulgarise très bien la synthèse additive et la trichromie.

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